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« Malheureux les pays qui ont besoin de héros » Berthold Brecht

 

Depuis le décès de Nelson Mandela, une polémique est née au sein de la communauté africaine et il est question de s’il mérite d’être considéré comme un Héros de l’Afrique ou pas. De nombreuses personnes dont je comprends le courroux  pensent que Mandela ne mérite pas d’être applaudi encore moins d’être appelé un héros mais un traître ; un « nègre de maison ». Ce dernier aurait trahit son peuple et l’Afrique en acceptant de devenir une « marionnette » de ses anciens tortionnaires et de ceux qui depuis des siècles ont assujetti le peuple sud-africain.  Ceux-ci donnent pour raison le faite que l’Afrique du Sud soit toujours un pays où les noirs vivent majoritairement en deçà du seuil de la pauvreté et où les blancs contrôlent toutes les ressources économiques ; un fait que l’on ne saurait nier. D’autres encore,  loin de lui en vouloir ne lui font pas confiance et doutent de la sincérité de son amour pour l’Afrique car il serait devenu le « chouchou » des occidentaux et des blancs et comme le dit l’adage « l’ami de mon ennemi est mon ennemi », ils préfèrent garder leurs distances de quiconque est trop adulé par ces occidentaux qui hier soutenaient le régime de l’Apartheid ainsi que la violence contre les Noirs.  Et enfin, il y a de ceux qui se plaignent de l’attention que l’on lui porte à Mandela tout seul alors que d’autres vaillants sud-africains comme Steve Biko[1] et Winnie Mandela (ex-épouse de Nelson Mandela) ont également joué un grand et décisif rôle dans cette lutte contre l’Apartheid.

Je fais partie de ceux qui pensent que Nelson Mandela est un Héros.

 

Nelson Rolihlahla Mandela né en 1918 et a fait ses études primaires et secondaires dans des écoles construites spécifiquement pour les noires. A la fin de ses études secondaires, passionné par la culture africaine, il décida de poursuivre ses études universitaires et étudiera les sciences sociales. En première année déjà, il fut identifié comme un semeur de trouble pour avoir organisé une manifestation estudiantine dont le but était de  dénoncer la mauvaise qualité des repas servis dans les universités noires. Ceci lui vaudra une suspension et, recherché par la police, il prendra la fuite[2]. Avec l’aide d’un de ses cousins, il trouvera un emploi comme horloger dans une compagnie blanche Crown Mines mais sera renvoyé quand ses employeurs découvriront que c’est un fugitif[3]. Il trouvera ensuite un autre boulot comme clerc dans un cabinet d’avocat appartenant à communiste juif. Et la bas, il fera la connaissance d’autres communistes et se liera d’amitié avec ceux-ci dont quelques-uns militaient déjà dans l’ANC[4]. Mandela avec l’aide ses amis étudiera pour finalement passer sa License en 1943.

 

Apres l’obtention de sa License, Mandela voulait absolument faire un troisième cycle à l’école de droit pour devenir avocat. A l’école de droit, il était le seul noir et était victime de racisme et de ségrégation mais il n’abandonnera pas. A la fin de ses études, il montera ensemble avec son ami Oliver Tambo le premier cabinet d’avocat noir de l’Afrique du Sud et il travaillait principalement pour défendre la cause des noirs abusés par leurs employeurs et poussera pour l’amélioration des conditions de travail des noirs[5].

 

Mandela s’engagera ensuite pleinement dans l’ANC et deviendra un leader du parti grâce à son charisme, son sens du leadership et sa capacité de mobilisation et d’organisation. Il consacrera tout son temps à la politique ; recrutera, mobilisera et organisera les jeunes noirs à lutter contre l’Apartheid. Il se déplacera dans plusieurs pays d’Afrique avec des fausses identités pour obtenir des ressources financières et militaires des nationalistes Africains à tous les quatre coins du continent. Et contrairement à ce que l’on essaye de faire croire, Mandela n’a jamais été un pacifiste ; du moins pas avant sa fameuse détention de 27 ans. Mandela en 1955 conclura qu’il serait impossible de lutter contre les dominateurs blancs de façon non-violente et fera appel à la Chine pour obtenir des armes[6]. En 1956, il sera arrêté pour haute trahison mais la cour le trouvera non coupable en Mars 1961.

 

 Mandela reprendra le combat et continuera à voyager et à mobiliser les ressources pour lutter contre les oppresseurs. Il étudiera les techniques de la guérilla de Che Guevara et Mao Tse Toung et s’inspirera de la révolution cubaine de Fidel Castro pour créer le MK initialement constitué de communistes  qui deviendra plus tard la branche armée de l’ANC[7]. Ils organiseront des attaques contre les propriétés des oppresseurs ; bombarderont des usines, des entrepôts d’armes et des bâtiments appartenant aux oppresseurs blancs. Pour obtenir des ressources financières et les armes, Il se rendra en Ethiopie rencontrer le roi Hailé Sélassié, en Egypte rencontrer le président Nasser, en Tunisie rencontrer le président Bourguiba, en Guinée Conakry rencontrer le président Sékou Touré, au Liberia rencontrer le président William Tubman, au Mali rencontrer le président Modibo Keïta[8] etc… En fin de compte, presque toute l’Afrique contribuait d’une manière ou d’une autre à la lutte armée de l’ANC contre l’Apartheid.  Le 2 Août 1962, il sera arrêté et condamné en Juin 1964 à la prison à perpétuité. Mandela passera 27 ans en détention[9].

 

J’ai jugé bon de survoler le parcours de Mandela pour rappeler à toutes les personnes qui l’accusent à tort ou raison d’être un traître que ce monsieur a malgré tout, énormément sacrifiée pour cette cause en laquelle il a cru et pour laquelle il s’est battu. Lors de son procès en 1964, Mandela a réaffirmé son attachement pour la lutte contre l’Apartheid et affirmera qu’il était prêt à mourir pour cette cause[10]. Ce monsieur aurait pu comme d’autres noirs sud-africains qui ont réussi à s’offrir des études universitaires dans les conditions les plus difficiles que l’on puisse imaginer, devenir un commis des oppresseurs blancs avec un salaire relativement bon et mener une vie paisible et confortable comme de nombreux intellectuels noirs d’Afrique du Sud l’on fait mais que personne ne traitent de traître aujourd’hui. Mais non, Mandela a choisi de se battre contre l’injustice vis-à-vis de son peuple mettant ainsi sa vie ainsi que celle de sa famille en danger. Il a sacrifié sa vie de famille, son premier mariage, peut être aussi le deuxième, sa carrière, sa liberté et même sa dignité pour défendre son peuple[11]. Il a souffert dans l’âme et dans la chair en supportant humiliations et tortures de la part de ses tortionnaires. Il a résisté longtemps à la corruption et a refusé de se faire acheter par les Boers pour abandonner la lutte. Il s’est offert corps et âme à la lutte contre l’Apartheid à une époque où nombreux avaient peur de mettre en cause le système raciste.

 

Il est vrai que Mandela, vers la fin de son séjour en prison s’est plus ou moins rapproché de ses oppresseurs et que dès sa sortie de prison, ne prêchera pas la vengeance mais plutôt la réconciliation et la paix. Mais la paix n’a pas été prêchée au dépend de la justice et au profit de l’impunité. Nombreux de ceux qui accusent Mandela de s’être engagé dans une politique de paix et de réconciliation parlent souvent comme si les Boers qui ont orchestrés des horreurs contre les Noirs furent lavés de tous leurs crimes et graciés par Mandela. Des 7112 demandes d’amnisties obtenues par la Commission Vérité et Réconciliation mise en place en Afrique du Sud à la fin de l’Apartheid, seulement 849 ont été accordées en fonction de la gravité des crimes commis. Au total 5392 demandes ont été rejetées, soit un peu plus de 75% des demandes totales[12]. Doit-on donc dire de Mandela qu’il a blanchi les violateurs des droits de l’Homme parce que 25% des responsables de ces crimes ont été pardonnés ?

 

Le plus surprenant est que ceux-là même qui reprochent ce « pardon » à Nelson Mandela se disent être des africains authentiques défenseurs des intérêts et des valeurs africaines. Pourtant ils semblent oublier que dans la culture africaine, il n’existe pas que la justice punitive mais aussi la justice restitutive et restauratrice et que dans nombreuses des cultures africaines, tous les crimes ne méritent pas forcement l’incarcération ou la mort. Pardonner et rétablir les liens entre victimes et coupables afin de restaurer l’entente et de maintenir la paix sont des notions culturelles essentiellement africaines. Nous les Africains n’allons donc pas nous mettre à copier la France de Charles De Gaulle qui a mis à mort des milliers de citoyens français accusés de traitrise parce que ceux-ci auraient collaboré avec le régime Nazi[13]. D’aucuns diront que l’on devrait procéder ainsi parce que ce sont des blancs. Eux, oublient que le combat de Mandela était un combat racial contre le racisme et non un combat raciste. Certes, les Boers étaient des blancs et certes les Boers ont opprimé les Noirs d’Afrique du Sud. Mais cela ne veut aucunement dire que tous les blancs étaient des Boers et que tous les blancs ont opprimé les noirs en Afrique du Sud.

 

L’on ne peut pas prôner la mise à mort des Boers sur la seule base qu’ils sont blancs car des blancs ont également combattus contre l’Apartheid. Des blancs ont payé de leur vie pour avoir milité dans l’ANC contre l’inégalité raciale et l’injustice sociale. Joe Slovo, blanc d’origine juive, ami intime de Nelson Mandela, était un fervent militant de l’ANC et le chef de la branche militaire de MK. Après s’être fait inculpé, son épouse Ruth First et lui pour trahison par le régime de l’Apartheid, Joe Slovo s’exilera au Mozambique, en Angola, et en Zambie ou il mènera une résistance farouche contre le régime de l’Apartheid durant plus d’une vingtaine d’années[14]. Son épouse Ruth First qui était également blanche et militante redoutable de l’ANC sera assassinée en 1982 alors qu’elle était exilée au Mozambique. La Commission Vérité et Réconciliation accordera plus tard, l’amnistie a Craig Williams et Roger Raven qui étaient les assassins de Ruth First et avaient tenté d’assassiner Joe Slovo ainsi que d’autres leaders de l’ANC en exil[15]. Il faudrait alors comprendre que des Blancs ont aussi combattu dès les premières heures de l’Apartheid et savoir que des crimes commis contre ces blancs anti-apartheid ont également été pardonné par la Commission Vérité Réconciliation.

 

Hormis la question raciale du « Blanc mérite la mort » ou le « Blanc mérite d’être chassé » il y a aussi la question de la répartition des richesses en Afrique qui tourmente les détracteurs de Mandela. Il est vrai qu’à ce jour, plus de 80 pour cent des ressources économiques de l’Afrique du Sud sont contrôlées par des sud-africains blancs alors que les blancs ne constituent que 8% de la population. Ceci est belle et bien une injustice contre laquelle il faille combattre. Cependant, il est également important de souligner que ces richesses sont majoritairement détenues par moins d’1% de la population blanche ; c’est-à-dire que dans la minorité blanche, il y a encore une minorité qui constitue cette riche classe et qui contrôle la quasi-totalité des  richesses du pays. Et cette minorité ne diffère pas des 1% qui détiennent plus des trois quarts des ressources du Royaume Uni ou encore des 1% qui empochent les revenus totaux générés des richesses aux Etats-Unis d’Amérique[16].

 

Oui les plus riches sont les blancs. Mais tous les blancs ne sont pas les plus riches mais seulement 1% de ces blancs sont riches et ceux-ci dominent tout le monde y compris leurs « frères » de race.  Dans mon pays le Togo ou plus de 90% de la population est noire et togolaise, la majorité des entreprises appartiennent aux étrangers occidentaux et asiatiques. Dans ce même Togo, il y a des Togolais, je précise « noirs de souche » dont le revenu annuel dépasse le revenu annuel d’un million d’autres togolais rassemblés. Alors encore une fois, je répète la question de l’inégalité économique en Afrique du Sud n’est pas que raciale et n’est pas spécifique à l’Afrique du Sud. Les élites aristocratiques se retrouvent un peu partout dans le monde et même en occident.

 

Mandela aurait dû faire comme Mugabe. Il aurait dû arracher les terres volées par les colonisateurs blancs et les redistribuer aux noires. Il aurait dû chasser les blancs car ceux-ci n’étaient pas chez eux. Il aurait dû bloquer tout l’argent des blancs et les renvoyer du pays etc... Ces options proposées par les « déçus » de Nelson Mandela auraient peut-être amélioré la condition de vie des sud-africains. Cependant, il faudrait noter que durant l’Apartheid, les Boers ont pris le soin de ne pas former les noirs dans les domaines clefs qui leurs permettraient d’être indépendants si jamais ces derniers venaient à prendre le pouvoir. Ils ont instauré en 1953 le « Bantu Education Act » qui empêchaient aux noirs d’étudier les matières telles que les mathématiques, l’architecture, les sciences physiques, la mécanique, la médecine et bien d’autres matières nécessaires à la construction et au développement de leurs pays[17]. Quand Mandela prendra le pouvoir, il avait devant lui une population noire majoritairement illettrée ou mal-lettrée et s’il avait fait comme Mugabe, c’est-à-dire retiré aux blancs les usines et entreprises et les redistribuent aux noirs qui n’avaient pas le niveau pour gérer ces propriétés, comment l’Afrique du Sud s’en aurait-elle sortie ? En outre, cette décision aurait été une déclaration de guerre directe contre toutes les puissances occidentales qui détiennent des ressources militaires et financières pour déstabiliser cette nouvelle Afrique du Sud de 1994 et qui n’hésiteront pas à s’en servir pour balayer Mandela du revers de la main comme ce fut facilement fait avec Kadhafi en 2011.

 

Sur qui pouvait-il compter pour gérer ces usines et entreprises s’il venait à les nationaliser ? Aujourd’hui en Afrique du Sud il existe une xénophobie inouïe contre les travailleurs noirs d’autres pays d’Afrique. Les Sud-Africains voyant ceux-ci comme d’autres envahisseurs violentent et maltraitent leurs frères africains qu’ils traitent d’étrangers. Des dizaines de mozambicains, de botswanais, de swazilandais sont tués presque chaque année par les noires sud-africains qui ne veulent pas des « étrangers »  chez eux[18]. Mandela devrait –il donc faire venir d’autres africains mieux éduques pour gérer ces entreprises que son peuple ne pouvait pas gérer dû à la ségrégation raciale et intellectuelle dont elle fut victime quand les simples ouvriers des pays voisins sont rejetés, maltraités et abattus par ce même peuple ?

 

L’on me répondra peut être que Sékou Toure s’en était assez bien sortit quand les colons français, chassés en 1958 avaient tout emporté avec eux laissant la Guinée sans ressources et sans intellectuels pour diriger les entreprises d’état et former les populations. Il n’est nul besoin d’expliquer que la politique de Sékou Touré bien qu’étant nationaliste ne servit pas à grand-chose dans le long terme vu la situation actuelle dans laquelle se trouve la Guinée aujourd’hui (l’un des pays les plus pauvres d’Afrique). Toutefois, a supposé que la stratégie de Sékou Touré fut un succès, notons que  ce dernier avait bénéficié du soutien d’autres nationalistes en Afrique tel que Sylvanus Olympio et Kwame Nkrumah. Mais dans l’Afrique de 1994 (année au cours de laquelle Mandela a pris le pouvoir) presque tous les pays africains étaient dirigés par des valets qui pour la plus part ont saisi le pouvoir par des coups d’état et ont tué ces nationalistes qui étaient les amis de Nelson Mandela. Nous avions donc à la tête des pays africains des dictateurs fantoches comme Gnassingbé Eyadema, Blaise Compaoré, Ben Ali, Hosni Moubarak, Mobutu Sesse Seko, Omar Bongo qui eux vendaient des armes aux Boers durant l’Apartheid alors que l’ONU avait lancé un embargo contre ce régime. Les quelques rares nationalistes qui étaient encore au pouvoir avaient leurs lots de problèmes car devenus minoritaires sur le continent, ceux-ci devaient doubler d’effort pour se maintenir au pouvoir.

 

Par ailleurs, il faille rappeler à ceux qui montrent Mugabe comme exemple que celui-ci a procédé à la réforme agraire en 2000 soit 13 ans après sa prise de pouvoir car il lui était impossible de procéder à ce changement drastique dans les conditions dans lesquelles il avait pris le pouvoir au Zimbabwe en 1987. Il lui a fallu plus d’une décennie pour procéder à cette réforme. Or, Mandela lui n’a fait qu’un seul mandat de 5 ans. Il ne suffit pas de prendre le pouvoir politique pour tout changer d’un seul coup de façon radicale. Il faut d’abord avoir les moyens de sa politique et être sûre que son pouvoir peut résister aux contre-attaques de l’ennemi avant de s’attaquer à celui-ci.  Aurait-on préféré que Mandela fasse 10 à 20ans au pouvoir afin de faire ces reformes avant de lui reconnaitre son héroïsme ?

 

En outre, bien que Mandela n’eut pas arraché les terres aux blancs pour les redistribuer aux noirs comme l’auraient souhaité certains, il a fait passer des reformes et législations telles que le « Restitution of Lands Act » en 1994[19]  et durant les 5 ans de son règne de 1994 à 1999, 250 milles sud-africains noires se sont vu attribuer des terres grâce à cette réforme. Par ailleurs Mandela a fait des reformes qui ont permis à plus de noires de s’inscrire à l’école. Mandela a réussi à construire en ses cinq ans de règne plus de 750,000 logements pour déloger 12 millions de sud-africains des bidonvilles. Sous son règne,  500 nouveaux hôpitaux ont été construits et les soins étaient gratuits pour les enfants de moins de 6 ans ainsi que les femmes enceintes, les personnes handicapées ainsi que les personnes âgées[20]. Dans le même temps 4 millions 900 mille personnes ont eu accès à l’eau potable et les populations rurales pauvres y ont accès gratuitement et 1 million 750 mille foyers ont été raccordes aux réseaux électriques permettant près de 15 millions de personnes d’avoir accès à l’électricité[21].

 

Je laisse à chacun de mes lecteurs le soin de comparer les accomplissements de Nelson Mandela à ceux des dirigeants de leurs pays. Dans le cas de mon pays le Togo, en 2009, après 42 ans de règne de Gnassingbé père et fils, 69% des populations n’avaient pas accès à l’eau potable et plus de 90% des populations rurales étaient concernées selon L’ONU qui depuis lors a fait construire des centaines de forages dans le zones rurales afin de palier à ce problème.  Cinq années plus tard en Mai 2013, le ministre de l’eau, de l’assainissement et de l’hydraulique villageoise  M. Bissoune Nabagou dira que le Togo ne pourra pas atteindre l’Objectif du Millénaire pour le Développement relatif à l’accès à l’eau.[22] . Au Togo, moins de 2% du budget national est accordé à l’eau soit à peine 300 millions de FCFA équivalant à 500,000 Euros[23]. Et pourtant, en 2010, l’Union Européenne a accordé une aide de 11 milliards de FCFA soit plus de 15 millions d’Euros pour permettre au Togo d’atteindre le septième objectif du millénaire du développement en rendant l’eau potable accessible à au moins 300 milles personnes[24].  Malheureusement, en 2013, l’eau est encore un luxe au Togo au point ou les robinets des hôpitaux publics  sont secs compliquant la situation déjà très désastreuse des services médicaux aux patients ainsi qu’aux personnels de la santé[25]. Aussi, il s’avère que la corruption étant le principal fil conducteur des régimes imposteurs, de nombreux barons du régime ont détournés les forages prévus pour les populations dans leurs fermes agricoles et maisons avant d’empocher une grande partie des aides.

 

Nelson Mandela n’a pas attendu l’ONU pour enclencher les reformes visant à sortir son peuple de la pauvreté et en cinq années, il a accompli bien plus que presque tous les dirigeants africains contemporains qui pour la plus part ont passé plus d’une décennie au pouvoir.

 

Enfin, on me dira qu’il faille toujours se méfier de lui parce que depuis sa sortie de prison, les occidentaux qui hier étaient ses ennemis sont devenus ses amis. A ceux-ci je répondrai avec deux proverbes de l’ethnie Éwé dont le premier se traduirait littéralement en français comme : « Les dents rient mais le ventre non » et ceci veut dire que ce n’est pas parce que Mandela riait avec les occidentaux qu’il aimait ceux-ci et approuvaient leurs abus dans le monde. Il s’est insurgé contre l’invasion américaine en Iraq et en Libye ainsi que contre l’occupation israélienne de la Palestine pour ne citer que ceux-là. Le deuxième proverbe nous venant aussi de l’ethnie Ewé nous dit «  la petite honte vaut mieux que la grande honte » pour signifier que les occidentaux qui ont soutenu l’Apartheid se sont rendus compte dans les années 80 que le monsieur était une icône des « prolétaires du monde » entier et qu’ fallait donc faire semblant de l’aimer aussi afin de ne pas se faire huer par « les prolétaires » de tous les pays qui se sont « unis » pour exiger la libération de ce symbole de la résistance contre le racisme, l’impérialisme, le capitalisme, la domination, l’exploitation et l’oppression. Mandela ne s’est pas rapproché d’eux mais ce sont eux qui se sont rapproché de lui pour « sauver leur face ».

 

Nonobstant, même si Mandela était réellement devenu l’ami des occidentaux comme l’affirment ses détracteurs, il méritera toujours mon respect car je ne pourrai me permettre de dénigrer un homme qui a passé plus de cinquante années de sa vie à lutter contre l’oppression de son peuple et plus d’un quart de siècle en prison parce qu’il voulait que son peuple puisse avoir le droit de vivre dignement. Ces mêmes personnes qui dénigrent Mandela applaudissent Steve Biko qui lui fut tué au cours de la lutte. Est-ce à dire que pour être un héros, il faille se faire assassiné par ces ennemis et devenir un martyre ? Est-ce également à dire que Steve Biko a plus accomplit dans sa tombe que Mandela durant ses cinq années à la tête de l’Afrique du Sud ? Steve Biko qui lui-même disait : « vous êtes soit vivant et fier ou vous êtes mort, et quand vous êtes mort, tout vous est égal de toute façon ».

 

Ce que Mandela a fait pour l’Afrique du Sud est loin d’être assez pour mettre fin à l’injustice et l’inégalité dans ce pays. C’est d’ailleurs très infime comparé à ce qui mérite encore d’être fait. Mais cela dépasse de très loin ce que le commun des mortels fait pour son pays et pour son peuple au cours de sa vie. Apres des dizaines d’années de détention, l’on ne peut espérer qu’une personne sorte de prison avec la même manière de voir les choses qu’avant son incarcération. La vieillesse, l’isolement et la torture sont des choses qui changent toujours les hommes peu importe qui ils sont. Et Mandela est avant tout un humain et non un Dieu ou un messie ; la preuve il est mort et ne s’est pas ressuscité jusque lors. Aussi, l’on ne peut pas espérer que Mandela détruise en 5 ou 10 ans  plus de 300 ans de domination occidentale. Cela fait 50 ans déjà que de nombreux pays africains se disent indépendants mais l’on peut toujours voir à quel point  les peuples y sont toujours marginalisés et vivent dans une extrême misère.

 

L'on n’est pas Héros pour ce que l’on n’a pas pu faire à cause de ces faiblesses qui sont inhérentes à tous les humains mais l’on l’est pour le courage que l’on a eu d’avoir osé faire des choses positives que le commun des humains n’oserait faire. Et Nelson Mandela est mon Héros parce qu’il a osé s’en prendre à l’injustice, à l’inégalité, au racisme, à la déshumanisation et à l’oppression vis-à-vis de son peuple. Il est un Héro pour avoir fait ce minimum que si tout le monde faisait, le monde serait plus juste et plus équitable.  Il est mon Héros au même titre que toutes ces personnes qui de par le monde, noires, jaunes, blancs ou rouges se sont soulevées contre l’oppression de l’homme par l’homme, l’inégalité sociale et l’injustice.

 

Au-delà de tout ceci, il faudrait savoir et réaliser que l’Afrique du Sud et encore moins l’Afrique n’a pas besoin d’un héros mais des Héros.  Chaque Africain doit être un héros pour lui et pour son peuple et doit se battre contre son oppression ainsi que celle de son peuple plutôt que d’attendre qu’un Mandela ne vienne jouer le rôle du messie qui délivrera l’Afrique des « forces du mal ».

 

Pour finir, rien n’empêche personne de chercher à faire ce que Mandela lui a manqué de faire et pour cela, il n’est nul besoin d’être sud-africain.  Si Che Guevara a quitté l’Argentine et l’Amérique Latine pour aller se battre au Congo et en Algérie afin d’aider  les congolais et les algériens à se libérer de l’impérialisme, je ne vois vraiment pas pourquoi les africains d’autres pays qui détestent Mandela pour n’avoir pas fait assez, ne se rendrait-ils pas eux-mêmes en Afrique du Sud afin d’arracher les terres et richesses aux blancs pour les redistribuer aux noirs.  Qu’elle est facile la révolution !

 

Madiba, mon Héros Merci pour tout. Merci d’avoir inspiré tes « petits enfants » et « arrières petits-enfants »comme moi, à porter le flambeau de la résistance contre l’oppression. Et comme le dirait mon autre « tonton » Thomas  Sankara, « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! »

 

 

Farida Nabourema

 


 

Notes

Leaatt, Annie, Maylene Shung-King, and Jo Monson. "Healing inequalities: The free health care policy." Healing inequalities: The free health care policy. 2006.

n.d.

Baroo, Josh. Business Insider . September 12, 2013. http://www.businessinsider.com/95-of-income-gains-since-2009-went-to-the-top-1-heres-what-that-really-means-2013-9 (accessed December 30, 2013).

Clark, Nancy L, and Horger H William. South Africa: The Rise and Fall of Apartheid . Routledge, 2011.

Conchiglia, Auguta. Le Monde Diplomatique . September 11, 2007. http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2007-09-11-Steve-Biko-la-conscience-noire (accessed December 30, 2013).

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Herbst, Jeffrey. ""The Nature of South African Democracy: Political Dominance and Economic Inequality"." In The Making and Unmaking of Democracy: Lessons from History and World Politics, by Theodore K Rabb and Ezzra N Suleiman, 206-224. London: Routledge, 2003.

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Tagba, Felix. Media Terre . 2013. http://www.mediaterre.org/international/actu,20130828165350.html (accessed December 30, 2013).

 



[1] (Conchiglia 2007)

[2] (Smith 2010)

[3] (Sampson 2011)

[4] (Smith 2010)

[5] (Sampson 2011)

[6] (Mandela 1995)

[7] (Sampson 2011)

[8] (Mandela 1995)

[9] (Sampson 2011)

[10] (Sampson 2011)

[11] (Smith 2010)

[12] (DOJ&CD 2009)

[13] (Judt 2006 )

[14] (Slovo 2002)

[15] (IOL News 2000)

[16] (Baroo 2013)

[17] (Clark and William 2011)

[18] (Neocosmos 2010)

[19] (South Africa History Online n.d.)

[20] ( Leaatt, Shung-King and Monson 2006)

[21] (Herbst 2003)

[22] (Focus Infos 2013)

[23] (Tagba 2013)

[24] (L'INITIATIVE OMD DE L'UE 2010)

[25] (Domegni 2013)

Tag(s) : #Afrique
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